Dyslexie, dyspraxie : ce que fait l’oeil quand il lit

Des caméras révèlent ce que fait l’œil quand il lit

Face à un mot écrit, le cerveau commande le regard d’une manière tout à fait précise, constante et efficace. Cette découverte peut servir à aider certains enfants dyslexiques.

Comment que c’est que tu causes ? Avec quel accent ? Comment prononce-t-on les syllabes du français ? À portée de voix du centre historique d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le laboratoire « Parole et langage » du CNRS (Centre national de recherche scientifique) observe, scrute, écoute, analyse, répond à toutes ces questions.

Voici quelques mois, l’équipe que dirige Stéphanie Ducrot, docteur en psychologie cognitive, a découvert « ce que fait l’œil quand il est face à un mot écrit ». Grâce à Eyelink, un outil de haute technologie. Un drôle de casque équipé de trois caméras braquées sur l’oeil. « Elles suivent le mouvement, à 500 images par seconde. »

Consigne donnée au lecteur cobaye : « Regarder le centre du mot qui apparaît, devant lui, sur un écran. » Le mot « carnaval », par exemple. Constat : « L’œil « n’atterrit pas » n’importe où. » Il devrait tomber sur les lettres centrales, le « n » ou le « a ». Eh bien non ! « Systématiquement, il fixe le milieu de la partie gauche du mot. » Soit le premier « a » ou le « r ».

Constat : « L’œil « n’atterrit pas » n’importe où. »

 

Troubles « visioattentionnels »

Pour la psychologue, dans le cerveau, « il y a une sorte de prétraitement. L’œil « atterrit » à la position optimale pour la lecture ». Pour s’en convaincre, elle a fait la même expérience « avec des personnes de langue arabe qui lisent de droite à gauche ». Leur œil agit de même mais en fixant « le milieu de la partie droite du mot » !

Et quand l’œil n’est plus face à un mot tout seul, mais face à une phrase ? « Il s’appuie sur une quinzaine de caractères, en identifie trois ou quatre sur le côté gauche et le reste sur la droite. » Le cerveau fait le lien avec les mots emmagasinés dans la mémoire. Pendant ce temps, l’œil est déjà sur le paquet de lettres suivant !

L’équipe a renouvelé l’expérience avec des enfants souffrant de dyslexie. Les caméras ont repéré que, pour certains d’entre eux, « l’atterrissage de l’œil n’est pas maîtrisé ». Une fois, il tombe à gauche, une autre fois à droite… « Ce sont des troubles visioattentionnels, une forme de dyslexie particulière », détaille Mathilde Muneaux, psychologue spécialisée en neuropsychologie auprès du Centre hospitalier de Dignes-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence).

« Ce sont des troubles visioattentionnels, une forme de dyslexie particulière »

La découverte du CNRS l’intéresse dans son travail : « La dyslexie est un trouble présent à vie. Pour ces enfants, qui souffrent de ces troubles visioattentionnels, on espère repositionner l’oeil, l’entraîner à regarder au bon endroit. En montrant des mots avec la lettre qu’on veut viser écrite en rouge, par exemple. Le cerveau a une certaine plasticité. Il peut s’adapter. » Ce qui permettrait peut-être de réduire les difficultés.

Ces recherches pourraient aussi déboucher sur des exercices systématiques, « dansles classes de grande section de maternelle ». Pour détecter d’éventuels troubles. Pour développer les capacités de l’œil et faciliter l’apprentissage de la lecture. « Car lire, c’est visuel », insiste Stéphanie Ducrot.

Source de l’article : OuestFrance.fr, publié le 21 Avril 2012

Pour en savoir plus

Les troubles neurovisuels : lire l’article

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